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MYTHE OU REALITE

"Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas" : (la Table d'Emeraude)



A notre époque de confusion, il est courant d'entendre certains mots utilisés dans un contexte pour le moins inhabituel, ce qui leur attribue un sens commun banal. C'est ainsi que les commentateurs sportifs apr exemple parlent de "Grand Messe du Football", d'"Initiation", à propos du Golf. On taxe un tel de mysticisme parce qu'il fait tourner les tables ou croit à la Métempsychose... L'Alchimie aussi est entrée dans le langage courant, mot auquel on accorde une attention distraite. Pour la plupart d'entre-nous, l'Alchimie évoque cet art chimérique qui tient de la Magie et de la cuisine, un art irrationnel passe de mode qui n'inquiète plus et fait sourire. Tandis que pour certains scientifiques et historiens, l'Alchimie est l'ancêtre de la Chimie.

L'Alchimie serait donc une Chimie ordinaire, primitive, empirique, non encore épurée de ses galimatias superstitieux. Il lui aurait fallut seulement l'apport rigoureux des Mathématiques pour devenir un science des poids et mesures, une science où toute expérience pourrait se reproduire, prévisible, car calculable. On imagine que l'absence de vocabulaire technique nécessitait le recours à la métaphore. Cependant, nous montreront plus loin que le symbole révèle parfois plus que le verbe.

A notre avis, cette évolution Alchimie/Chimie ne serait due, dans un premier lieu, qu'à un changement de langage, plus qu'à un apport de la logique mathématique. En effet, toute science ou recherche, dans la direction qu'elle suit, reste fidèle à certains paradigmes ou présupposés fondamentaux admis comme vrais, parfois non démontrables.

Ce changement dans l'horizon de la science débute sans doute avec Fancis BACON et des savants philosophes de la nature comme tels Isaac NEWTON ou DESCARTES. Il faut noter cependant que NEWTON maniait aisément la pensée hermétique, puisque ses travaux en Alchimie furent remarquables et abondants. Certains de ses écrits sont de nature alchimique.

Les lois géométriques de l'univers cosmique

De façon schématique, il est possible de dire que les paradigmes pré-scientifiques désignent un  monde où Dieu est présent et actif. Dieu est la cause première; il exprime sa volonté par le Verbe qui crée le Monde des causes secondes, moteur invisible des formes manifestes, celui où se joue l'existence humaine.

Selon cette pensée que l'on rencontre en filigrane dans la plupart des textes philosophiques et des travaux antiques, Dieu (ou le Grand Architecte) ne s'est pas retiré du Monde, il est aussi présent au sein des choses et assure le déroulement des cycles qui règlent éternellement l'harmonie de notre univers.

Philosophe hermétique et mystique inspiré, Jacob BOEHME exprime sa pensée profonde dans un texte tiré de son livre "De la signature des choses" : "De même Dieu demeure en toutes choses, mais ces choses ne savent rien de lui, car il ne leur est point manifeste; elles reçoivent néanmoins leur vertu de lui, selon son amour et sa colère; elles s'affirment analogiquement à l'extérieur, et cependant le bon est aussi en elles, mais enfoui sous le mal, comme les fleurs odoriférantes qui croissent à l'ombre des buissons épineux".

Ainsi, pour les anciens, l'univers cosmique est compréhensible, car soumis à des lois géométriques, image même de la justice divine; le Cosmos est vu comme l'ensemble des nombres qui découlent de la multiplication de l'un. Il faut bien sur en rapprocher la TETRAKTYS pythagoricienne. De même que tous les nombres viennent de la multiplication  de l'un, tous y retournent. Selon l'addition philosophique : 1+2+3+4=10 : 1+0. C'est ainsi que l'homme est une émanation de Dieu et qu'il est destiné à retourner en son sein.

Il n'est pas meilleure façon de rassembler les axiomes de la pensée antiques que de citer la fameuse "Table d'Emeraude" que, dit-on, Hermes grava sur une grande émeraude à l'aide d'une pointe de fer.

La Table d'Emeraude

"Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas"; "pour accomplir les miracles d'une seule chose. Et comme toutes choses ont été et sont venues d'un, par la médiation d'un, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation.

Le Soleil en est le Père, la Lune en est la Mère, le vent l'a porté dans son ventre, la Terre est sa nourrice et son réceptacle. Le Père de tout, la Thélème du monde universel est ici; sa force est entière si elle est convertie en Terre. Tu séparera la Terre du Feu, le Subtil de l'épais, doucement avec grande industrie. Il monte de la Terre est descend du Ciel et il reçoit la forces des choses supérieures et inférieures.

Tu auras par ce moyen toutes les forces du monde et toute obscurité s'éloignera de toi. C'est la force forte de toute force, car elle vaincra toute chose subtile et pénétrera toute chose solide. Ainsi le monde a été créé. De cela sortira d'admirables adaptations desquelles le moyen est ici donné. C'est pourquoi j'ai été appelé Hermes TRISMEGISTE, ayant les trois parties de la philosophie universelle. Ce que j'ai dit de l'oeuvre solaire est complet."

Ce texte, pierre angulaire de l'Alchimie, est le viatique du philosophe hermétique de toutes les époques. La Chimie moderne n'est pour moi qu'un enfant bâtard de l'Alchimie, puisqu'elle n'a su garder que la conception combinatoire des éléments entre eux, dédaignant la démarche philosophique alchimique.

L'art de la Transmutation


L'Alchimie est la recherche de la PIERRE PHILOSOPHALE, à savoir, l'obtention sur la Terre d'un réceptacle pour l'Argent universel, propre à régénérer et rendre à son origine toute chose (la matière de l'homme). Les applications qui en découleraient sont celles d'une "médecine universelle" apte à transmuter les métaux, à guérir toute maladie et à rendre aux disciples de l'Alchimie

Dans cette quête universelle s'illustrèrent de nombreux personnages qu'il est bon de distinguer selon la manière dont ils orientèrent leurs efforts.

Les premiers auteurs connus sont d'origine gréco-égyptienne, leurs textes écrits en grec. Ils remontent aux premiers siècles de notre ère. DIOCLETIEN aurait fait brûler tous livres que les Egyptiens avaient écrits sur l'Alchimie. Ce qui ferait remonter les principaux textes au IIIéme siècle A.C. ZOZIMZE donne à l'art divin une origine céleste transmise par les textes sacrés. Il cite Hermes TRISMEGISTE (le trois fois grand), identifié aux dieux, comme le principe des mots et le traducteur des textes Égyptiens.

Les méthodes utilisées nous sont inconnues, bien que relevant de la métallurgie puisque les Grecs incorporèrent le mot qui désignait l'Art sous la forme de "CHEME" qui pour eux signifiait : "fusion", "ce qui coule".

Le Grand Oeuvre, par voie riche encore pratiquée, n'utilise pas d'autre ressource... L'existence d'un ancien texte égyptien dont le titre est "KEMJIT" (ou KEMJT) peut par contre faire remonter l'Alchimie à l'époque des Pharaons. La racine KY signifiant "achèvement", "réalisation" : ce que l'Alchimie est dans tous les sens du terme !

La transmission alchimique

La transmission alchimique suivit diverses voies : outre celui des Grecs (ZOZIME, OLYMPIADORE), l'apport des Arabes fut déterminant dés le VIIIème siècle. Le Prince Omeyade Khalid IBN YAZID se rendit à Alexandrie pour y apprendre l'Alchimie. On lui doit les premières traductions des textes Grecs en Arabe. Peut-être que le traité "Entretiens du Roi CADID et du philosophe MORIEN" en provient. La figure de GEBER y domine et de nombreux mots du vocabulaire alchimique sont d'origine arabe, tel "élixir" dont la source étymologique est "iksir" (quintessence).

A cette époque le côté empirique prit de l'ampleur, on s'attacha à la recherche des procédés permettant l'élaboration de matériaux pour les arts (pigments, vernis, émaux) et de médicaments.

Cependant, des Alchimistes orientaux tentaient de théoriser l'Alchimie par le truchement de la pensée logique-mathématique. l'exploration proprement philosophique se poursuivait pourtant puisque des textes fleurissaient utilisant le symbolisme des figures de la nature : Soleil, Lunes, Corps Célestes et animaux divers. L'histoire de la transmission du Corpus alchimique se poursuivra ainsi jusqu'à nos jours.

En résumé, l'art alchimique repose sur des axiomes de connaissance, sa tradition le donne comme révélé; ainsi a-t-il été complet dés l'origine, mais l'évolution du langage, de la pensée, l'a rendu obscur aux chercheurs. Ce qui explique les divergences apparentes entre les textes.

La connaissance des éléments

Certes de nombreux corps composés ont été découverts et purifiés par les anciens Chimistes, mais ils ne peuvent se référer à une théorie chimique bien claire. C'est par essais successifs et par un labeur immense qu'ils purent parvenir à des résultats, comme la découverte de l'alcool (encore un terme d' origine arabe), du savon, acides et alcalins sont leurs oeuvres. Mais ceux-ci ne relèvent pas de l'art de la transmutation, ils n'en sont que des adjuvants ou des produits.

Aborder l'Alchimie vraie, la science des sciences comme la nommaient les anciens, n'est guère possible sans une connaissance exacte des éléments qui entrent dans sa pratique.

Connaissance de la matière dont la nature se rénove entièrement elle-même, et son application au Grand Oeuvre, c'est-à-dire :
- La nature de la matière première; le sujet des sages sur lequel s'applique les premiers travaux.
- Connaissance de l'agent universel qui opère dans le Grand Oeuvre et ne dépend pas de l'opérateur.
- Science des principes de "canonisation" sans lesquels rien n'est possible, l'artiste travaille en étroite     collaboration avec la nature.

Pour toutes ces raisons, il n'est guère possible de travailler sans essais successifs, tout en ayant à l'esprit que certaines erreurs sont lourdes de conséquences tant pour l'oeuvre que pour l'opérateur.  Rares sont les auteurs qui abordent se dernier point, ainsi que celui de la qualification personnelle de l'artiste, tant sur le plan humain que spirituel. Car la nature n'est pas une force aveugle que l'on contraint à travailler. Si l'artisan veut travailler avec l'intelligence du Monde, il doit se purifier, de la même façon que sa matière.

Comme le disait Eugène CANSELIET : "Si quelque chose est vrai (observable) dans le processus du Grand Oeuvre au laboratoire, (et conforme à ce que dit la tradition) comment ne pas penser que tout le reste sort de l'avenant".

Il faut exprimer, selon les règles, pour vérifier la réalité du Grand Oeuvre, tout à priori fondé sur des conceptions scientifiques, en apparence validées, qu'il démontre paradoxalement un  manque de rigueur. On entend parfois encore cette affirmation de la scolastique, qui avait déjà cours il y a des siècles, et que l'on souhaiterait voir bannie à jamais de la réflexion scientifique : "Cela ne peut-être, car ce n'est pas possible".

Les réalités des choses ne sont souvent démontrées que par leurs effets : a-t-on jamais vu l'électricité ? Il n'est donc pas toujours suffisant d'avoir vu : depuis les origines, certains composés obtenus au cours du processus et dont ils ne sont que les phases, étaient réputés posséder des propriétés médicinales remarquables. L'un  d'entre-eux, un adjuvant du premier oeuvre, est un puissant médicament du coeur. Eugène CANSELIET l'a lui-même cité à plusieurs reprises. Et sans doute lui devait-il la vie, puisque ce sel lui permit une prompte récupération des séquelles d'un infarctus. Il ne s'éteignit que bien plus tard à un âge avancé.

Un autre composé probablement tiré du second oeuvre possède un pouvoir de régénération de la cornée. On l'utilise dans les conjonctivites virales où son action serait remarquable.

Quant à ceux qui détiennent la Pierre au Rouge, la Médecine Universelle, ils sont sans doute fort rares. Seul FULCANELLI, contemporain de CANSELIET, à priori la "possédait". Il en montra un des usages lors  d'une expérience de projection où du plomb ordinaire fut transmué en Or pur; d'autres observateurs étaient présents, dont Jacques BERGIER, auteur, avec Louis PAUWELS du "Matin des Magiciens.

Réalité de l'Oeuvre

L'Alchimie a depuis toujours certes été considérée comme une pratique. La science actuelle ne conteste pas la réalité de ces opération, mais elle en fait  une sorte de "Chimie impossible", comme nous l'avons déjà vu. Cependant, que penser de ces lignes écrites par l'illustre savant, père de la théorie de gravitation universelle : Isaac NEWTON ? "Je sais au sujet de quoi j'écris, car j'ai dans le feu divers récipients en verre avec de l'or et ce mercure. Il se transforme dans ces verres en prenant l'apparence d'arbres et par une circulation continue les arbres se dissolvent, à nouveau avec la fermentation  redonnent du mercure.. J'ai de la sorte un récipient dans le feu avec de l'or ainsi dissout, où l'or était manifestement non pas dissout en atomes par un agent corrosif, mais extrinsèquement et intrinsèquement en un mercure aussi vivant et mobile que n'importe quel mercure trouvé dans le Monde."

"Car il fait en sorte que l'or commence à gonfler, à être gonflé et à pourrir et donc à bourgeonner et pousser des branches, en changeant de couleur tous les jours, dont l'apparence me fascine quotidiennement."

Un autre passage qui montre l'adhésion du savant à l'Alchimie traditionnelle, ce qui ne lui fait pas perdre pour autant sa réflexion critique : "Le moyen par lequel le mercure peut-être à ce point imprégné, a été jugé propre à être caché par d"autres qui l'avaient découvert et par conséquent peut en toute vraisemblance constituer un accès à quelque chose de plus noble ne devant pas être communiqué sans qu'il en résulte d'immenses dommages pour le Monde. Car il existe d'autres choses, outre la transmutation des métaux (il ne s'agit pas là de vantardise et de simulation), que personne sauf eux (les philosophes hermétiques) ne comprend."

Pour NEWTON la réalité alchimique ne fait aucun doute, et il semble en avoir mesuré la portée. Si la réalité de la transmutation fait problème, qu'en est-il de l'obtention de la PIERRE PHILOSOPHALE ? Cela nous conduit à rechercher des témoins historiques, dont trois ressortent nettement dans l'Histoire de France :

Nicolas FLAMEL

Nicolas FLAMEL (1330-1418) représente le prototype parfait de l'alchimiste. Ses recherches sont bien connues, n'oublions pas le rôle suggéré de sa compagne, Dame PERNELLE,  sur la découverte de la PIERRE PHILOSOPHALE; Son enrichissement soudain n'est pas contestable, ainsi que les nombreux dont qu'il fit autour de lui en témoignage de reconnaissance à la "providence".

Au travers de Nicolas FLAMEL, ses détracteurs cherchèrent à atteindre la réalité de l'Alchimie et ses liens avec l'oeuvre divine sur la Terre. L'historicité du personnage ne faisant l'objet aujourd'hui d'aucun doute, on subordonne son enrichissement à son métier de "copieur", d'écrivain publique.

Attaques subtiles, mais référons-nous aux traités attribué à Nicolas FLAMEL, tel le "Livre des figures hiéroglyphiques", et nous pourront constater leur cohérence avec la doctrine hermétique. Eugène CANSELIET attribuait à cet ouvrage une grande valeur, puisqu'il écrivit un "commentaire au Livre des figure hiéroglyphiques".

Admettons toute fois que Nicolas FLAMEL ne soit pas l'auteur de ce livre, quel intérêt auraient eu le ou les véritables  auteurs à utiliser le nom d'un riche bourgeois seulement connu à l'époque, à Paris, pour ses largesses ? En général les philosophes hermétiques utilisent un pseudonyme, révélant la véracité de leurs réflections. C'est le cas d'ALTUS, Jacob SULAT auteur du "Mutus Liber", henry de LINTANT, sieur de Mont lieu, dont Bernard BIEBEL a donné une passionnante exégèse dans sa traduction de "L'Aurore" ainsi que de "L'ami de l'Aurore". Citons aussi le cas du "trio des adeptes de Flers", Nicolas GROSPARMY, Nicolas VALOIS, compte de Flers et l'abbé Pierre VICOT. Noms qui peuvent transmettre un certain message, voulu par leurs auteurs. D'autres adeptes, moins connus pour pratiquer le Grand Oeuvre, ont pour cette raison été épargnés par la critique contemporaine, c'est le cas de Jacques COEUR.

Jacques COEUR

Pour Jacques COEUR (1395-1456), dont on peut encore admirer l'ancienne demeure de Bourges, ainsi que l'hôtel particulier Lallemant (bien mieux conservé) et de même inspiration, une courte biographie permettra de mieux situer le personnage.

Peu après son mariage avec la fille du prévôt de Bourges,et  petite fille du maître de la monnaie (à qui il succédera bientôt), Jacques COEUR s'embarqua pour le négoce vers l'orient.C'est avec l'Egypte qu'il prendra contact dans un premier temps, Alexandrie étant à l'époque la capitale des arts et des sciences. Les universités arabes y dispensaient un vaste enseignement.

N'oublions pas que c'est à partir de l'orient que nous parvint la tradition hermétique et les symboles qui lui sont propres, à savoir par exemple : le paon, le pélican, la rose, le lys blanc, le palmier ou phoenix, etc...

Après un séjour à Damas et à Beyrouth, il gagna Venise avant de revenir dans le royaume de France. Ses affaires prospérèrent dans de multiples domaines (mines, commerce du sel et échanges avec l'orient). Mais si ses activités mercantiles ne supportent aucun doute, en tant qu'adepte convaincu, je n'y vois qu'une façade !

Thomas de THAUMASSIERE déclare dans son "Histoire du Berry" (1689) : "La monnaie pour Jacques COEUR était un paravent, l'argentier aurait écrit sur le Grand Oeuvre plusieurs livres qui sont entre les mains de monsieur RUDAVEL, conseiller à Montpellier, et de monsieur BOREL, conseiller et médecin du Roi."

Pierre BOREL écrivit que sur la façade de la loge des "marchands", édifiée par Jacques COEUR et aujourd'hui disparue, on voyait, je cite : "trois portails en forme de fourneaux, comme ceux de Nicolas FLAMEL, à l'un il y a d'un côté un Soleil  plein de fleurs de Lys et de l'autre une Lune pleine aussi de fleurs de Lys et entourée d'une couronne d'épines, ce qui suppose que la Pierre Solaire et la Pierre Lunaire sont parvenues à leur perfection. A un autre portail on voit d'un côté un arbre fruitier, ayant à son pied des branches de roses." On peut d'ailleurs constater un grande similitude avec le commentaire attribué à Nicolas FLAMEL : "Il y avait un beau rosier fleuri,  au milieu d'un beau jardin, exhalant son odeur contre un chêne creux, au pied duquel bouillonnait un fontaine.

Jacques COEUR signait volontiers de deux symboles : Une coquille Saint Jacques et un Coeur.  Mais après réflection, la coquille des pèlerins peut s'interpréter de diverses manières et je peux ajouter qu'elle est un hiéroglyphe symbolisant le centre de la doctrine hermétique,  connu dans la "Table d'Emeraude", comme la Conjontion du Macrocosme et du Microcosme, la force d'en Haut et la force d'en Bas, pour faire le miracle d'une seule chose : la PIERRE PHILOSOPHALE.


Jean BOURRE

Le plus méconnu des trois, bien qu'illustre en son temps, Messire Jean BOURRE (1424-1500), dont on peut admirer sa belle demeure "philosophale" parfaitement conservée, ainsi que son château du Plessis Bourré en Anjou, est un personnage éminent si l'on en juge par ce passage des "Chroniques d'Anjou et du Maine"... "En ce temps estait au service du Roy un très prudent et noble chevalier angevin, nommé Messire Jean BOURRE, par l'ordonnance et conseil duquel se gouvernaient pour lors les plus hautes affaires du royaume, esquelle chose si discrètement se portai que jamais n'en fut repus". Jean BOURRE fut, à l'instar d'un Jacques COEUR, trésorier du royaume. Il eut assez de longévité pour servir trois rois : Louis XI, Charles VIII, Louis XII.

Louis XI lui envoya un billet d'ordre qui reste fort transparent quant à la réputation de Jean BOURRE : "Monsieur du Plessis je vous envoye ce que Monsieur de GRUSSOL demande. Allez-vous en demain à Paris et vous et Monsieur le Président trouvez de l'argent en la boete à l'enchanteur, pour ce qui sera nécessaire et qu'il n'y est faulte."

Aucun écrit de l'adepte n'a été conservé, cependant son château est un grimoire, riche de figures et de peintures, toutes ayant trait à l'Alchimie. La fameuse "salle des gardes", nommée ainsi non pas en raison de la présence de gens d'armes dans ses murs, mais parce que le plafond à caissons présente de belles peintures en grisaille sur fond vert. C'est donc une salle de garde où l'on a ainsi conservé le message central du château, à savoir une explication des travaux sur le Grand Oeuvre.

Eugène CANSELIET disait à cet égard qu'il était facile de voir la luminescence particulière qui émanait de ces peintures où le rouge ressortait si nettement, bien que la tonalité de fond fut verte. Il ajoutait "que les pigments prenaient directement de certains compères de l'Oeuvre, ce qui expliquerait en outre leur grande stabilité!"

Tout le château mérite d'être visité car il recèle de nombreuses merveilles, dont les secrets n'ont pas tous été dévoilés.

Dans "Les demeures philosophales" FULCANELLI nous rappelle la signification réelle des Phylactères (sorte de banderoles servant de cadre à une inscription, bien que certaines soient muettes; ce mot tiré du grec signifie garder, préserver) : C'est le signe, le sceau de cette sagesse qui se tient en garde contre les méchants, ainsi que le dit PLATON...

Une figurine étrange existe au château, dans l'escalier qui mène à la salle du Parlement; le "Marmouset" : Petit personnage enturbanné qui porte un pot et une coupe. D'après Eugène CANSELIET le message intraduisible, qui figure sur une banderole, révélerait le secret essentiel de l'Oeuvre.

Une visite dans la tour de France est nécessaire; la partie supérieure de l'escalier comporte une superbe voûte supportée par une colonne centrale dont la forme évoque un palmier. Divers ornements sont placés sur cette voûte, dont l'étoile à cinq branches, l'étoile des Mages ou l'étoile polaire qui oriente l'Alchimiste dans ses travaux.

Si nous poursuivons notre aventure, nous parvenons à la salle de Justice où l'on peut voir le blason du sieur Jean BOURRE, ainsi que le fameux "L" couronné que l'on a dit être un hommage au Roi Louis, mais que FULCANELLI a donné comme version un rébus de l'or provenant de transmutation.

L'Alchimie spéculative

En regard de l'Alchimie "opérative", c'est à dire au laboratoire, on entremet souvent l'Alchimie dite spirituelle,  se définissant comme une doctrine sur la nature des chose et de l'être, ainsi que de la place de l'Homme dans la création et sa destinée transcendante.

La découverte d'un texte grec, "Le berger des Hommes" et sa traduction par Marcile FICIN, a refondu la philosophie hermétique en Europe. Ce texte de philosophie mystique influença fortement l'Alchimie et propagea l'hermétisme. Peut-être faut-il y voir là le malentendu entre Alchimie spirituelle, ou "spéculative", et Alchimie "opérative".

Jacob BOEHME est le parfait exemple de l'alchimiste "spéculatif", car dans ses écrits gnostiques il utilise volontiers le terme de Grand Oeuvre. A mon avis le distinguo entre les deux facettes de l'Alchimie est artificiel et repose sur l'incompréhension de l'harmonie des choses, telle qu'elle est exposée dans la "Table d'Emeraude".

Ce qui s'accomplit dans l'Homme, jusqu'à la régénération de son tout, est peut-être décrit par le processus du Grand Oeuvre, car l'Esprit Universel opère de la même façon dans le grand et le petit Monde.


L'Alchimie, voie initiatique

Les gnostiques ont adopté très tôt un langage métaphorique, propre à faire sentir à l'être existentiel le message de l'être essentiel. La lecture de Jacob BOEHME, ou d'un maître de l'islam ésotérique comme Ibn ARABI ou RUMI, le démontre.

Il est avéré que certains philosophes ont trouvé dans le langage alchimique, en décrivant les phases de transition du Grand Oeuvre, une manière utile de révéler les événements intérieurs de leur voyage vers le Divin; selon Jacob BOEHME.

Les écrits rapportés dans la "Nuit Obscure",  de saint Jean de la Croix,  décrivent cette période préparatoire où "l'âme terrifiée observe autour d'elle la destruction des formes anciennes qui structuraient son monde intérieur, et où l'esprit, planant sur les eaux, n'avait pas encore pénétré la noirceur du chaos".

"Mais grâce à l'application constante du feu, cette nuit s'éloigne bientôt pour laisser place à l'aube dorée" : vision bénie où l'âme est réconfortée par une lumière intérieure, dont elle devine la source, et qui transforme le monde; ainsi l'alchimiste voit reverdir la terre noire de sa matière sous les premiers rayons du printemps".

En poursuivant un  travail avec application, l'artiste atteindra finalement la blancheur, purification parfaite de sa matière, qui le rend capable de réfléchir la lumière du plan Divin... Mais cette apothéose implique de sa part un renoncement total à la volonté personnelle.

Il lui faudra atteindre plus tard, s'il le désire, l'union mystique finale, où la dualité s'efface; le miroir et ce qu'il réfléchit ne font qu'un. C'est l'obtention de la Pierre au Rouge et la floraison de la Rose Rouge sur la croix de la Matière, rendue à la perfection de l'or.

Les moments de Nicolas FLAMEL

La demeure de Nicolas FLAMEL, dans le quartier du Chatelet à Paris, avait pour enseigne une fleur de lys. Il y recevait des élèves auxquels il donnait des leçons d'écriture et y copiait des manuscrits. Cette maison construite en pierre et en bois était chargée d'inscription et de peiux bas-reliefs. Parmi ces inscription; celle-ci :

"Chacun soit content de ses biens"
"Qui n'a suffisance il n'a rien"

A la fin du XVIIIéme siècle des philosophes hermétiques(??) pratiquèrent de nombreuses fouilles dans sa maison et ses caves, perforèrent les murs, persuadés que Nicolas FLAMEL avait détenu l'art de faire de l'or et achevèrent d'en détruire les ultimes vestiges.

L'église saint Jacques la Boucherie (détruite sous la Révolution, il n'en existe que des tours ) possédait sur l'une de ses façades latérales un portrait de Nicolas FAMEL, il aurait aussi été représenté sur les vitraux. En tant que bienfaiteur de cette église, Nicolas FLAMEL y fut inhumé après son décès le 22 mars 1417 ou 1418 en pleine terre, sous les dalles, devant le crucifix.

Son épitaphe, composée par lui-même, était gravée sur une pierre du pilier voisin de sa sépulture.

"Feu Nicolas FLAMEL iadis escrivain a laissé par son testament à l'oeuvre de cette église certaines rentes et maisons, qu'il avoit acquestées et achetées de son vivant pour faire certain service divin et distributions d'argent chascun ou par aumosne, touchant les quinze vingts, l'ostel Dieu et autres églises  et hospitaux de Paris. Soit prié pour les trespassez".

Au dessous de cette inscription, est représenté un cadavre de la bouche duquel sort les mots : "Domine deus in tua misericordia Sperani"; et dessous, on peut lire :
"De terre suis venu et en terre retourne"
"L'âme reus à toy Ihu qui les péchiés pardonne".
Le nom de Nicolas FLAMEL est aussi associé au "charnier des Innocents", dont il fut un bienfaiteur. Ce cimetière était entouré d'arcades, dont l'une était ornée d'une sculpture à son nom et à celui de sa femme Dame Pernelle, racontant le massacre des "Saints Innocents" en Judée par le roi HERODE.

Conclusions

Mon ressenti sur l'art de la philosophie hermétique est que cette science, qui pour beaucoup reste floue, énigmatique ou bien, plus souvent, ressemble totalement à une mascarade, possède en sa faveur certains éléments qui ordonnent une certaine réalité et un profond respect, étant donné les expériences effectuées par nombre d'alchimistes, connus et méconnus, mais prouvées dans les faits. Chacun est en droit de rester maître de ses opinions, mais, j'espère, au travers de ces lignes, avoir interpellé un nombre respectable de personnes réfléchies, sans outrecuidance de ma part. Je ne souhaite, pour finir avec ce chapitre, qu'une chose : la question.