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DECOUVRIR GEBER ET LA SUMMA

1/ GEBER

Du personnage de GEBER nous ne connaissons rien, ou presque. Son nom reste hypothétique et l'on peut aussi bien l'appeler : Djaber, Djabir Ibn Hayyan, que Yeber, ou Giaber. HOEFER dit également Djabir Al Koufi. Il aurait vécu dans la seconde moitié du VIIIème siècle ou la première moitié du IXème siècle. S'il faut en croire ses écrits, malheureusement apocryphes pour la plupart, il aurait été contemporain de Iman DJAFAR, lequel est mort en 765.

L'origine de GEBER est encore plus incertaine; on le dit natif de Koufa, sur l'Euphrate, de Haran en Mésopotamie, de Thus, ville du Khorasan, province de la Perse, mais encore de Grèce et même d'Espagne. Cette dernière indication provient d'une confusion entr homonymes. En effet, un certain Geber, astronome arabe qui vivait au XIIème siècle, est né à Séville.

Le GEBER qui nous préoccupe peut néanmoins se targuer de nombreux patronymes : Roi de l'Inde, Tousensis Souficus, etc...Il a même été appelé Abou Moussa-Djafar Al sofi, sans doute par rapprochement avec l'Imam Djafar "le juste", qui par ailleurs se préoccupait d'Alchimie, et Sofi parce que GEBER était Soufi.

Cette diversité d'appellations nous permet évidemment de douter des cinq cents ouvrages que l'on attribue à GEBER, le plus célèbre alchimiste arabe. Cette grande notoriété dont il jouit toujours, GEBER la doit principalement à son oeuvre maîtresse : "La somme de la perfection". Quand Bernard LE TREVISAN, Adepte du XVème siècle, se plaint d'avoir dépensé deux mille écus pour acquérir le "livre" de GEBER, c'est assurément de "La somme de la perfection" dont-il parle. C'est dire combien le traité de GEBER était hautement considéré au moyen-âge.

2/ Commentaires de GEBER, tirés de "La somme de la perfection"

La "Summa", Somme de la perfection, est un ouvrage méthodique fort bien composé. Il est partagé en deux volumes; le premier traite des problèmes généraux de la science chimique et des principes du Magistère, il est divisé en quatre parties précédées chacune d'une préface.

La première partie du premier livre traite des empêchements de l'Art et des conditions que doit remplir l'opérateur; empêchements tenant de son corps ou de son esprit.

La seconde partie expose les raisonnement de ceux qui nient l'existence de l'Alchimie; suit leur réfutation systématique.

La troisième partie est consacrée aux principes sur lesquels la nature opère. Les trois principes naturels des métaux sont exposés. Puis l'auteur énumère les six métaux en les définissant avec une grande netteté.

La quatrième partie de ce volume est consacrée à la description des opérations chimiques de la sublimation en général, avec de nombreux détails techniques sur les "aludels", les fourneaux, le bois qu'il faut employer, etc... Véritable chef d'oeuvre d'Alchimie "opérative", le texte se poursuit par la sublimation du mercure, des sulfures (Marcassite et Magnésie), de la tutie (oxyde de zinc impure), descension ou fusion des corps, distillation par alambic et filtration, calcination, dissolution, coagulation, fixation, incinération ou ramollissement. Toutes ces opérations sont fort bien expliquées.

Le second livre est essentiellement alchimique et traite de l'accomplissement de l'Art. Il est exposé comme le précédent volume, c'est-à-dire suivant la correction des règles scholastiques.

La première partie est consacrée à l'exposition précise des corps et métaux : nature et diverses propriétés de ces corps; comment corriger la nature des métaux imparfaits pour les changer en métaux parfaits.

La seconde partie se limite à l'exposition des "remèdes" ou "médecines" qu'il convient d'appliquer aux corps, avec des indication sur la "médecine universelle" qui donne la perfection à tous les métaux vils.

La troisième et dernière partie de ce deuxième livre expose l'analyse et les épreuves des métaux par "coupellation", "cémentation", "ignition", "fusion, "exposition aux vapeurs acides", "mélange et chauffage avec le soufre", "calcination", "réduction", "amalgamation".

"Courage donc fils de la science, cherchez et vous trouverez infailliblement ce don très excellent de Dieu, qui est réservé pour vous seuls. Et vous, enfants d'iniquité, qui avez mauvaise intention, fuyez bien loin cette science, parce qu'elle est votre ennemie et qu'elle est faite pour votre perte et votre ruine qu'elle vous causera très assurément. Car la Providence divine ne permettra jamais que vous jouissiez de ce don de Dieu, qui est caché pour vous et qui vous est défendu." (second livre, deuxième partie, chapitre XXX)

"Courage donc, enfants de la science, ne désespérez pas de pouvoir apprendre une science si merveilleuse. Car je vous assure que vous la découvrirez indubitablement si vous la cherchez, non pas par le raisonnement d'aucune autre science que vous avez apprise, mais par un seul mouvement et une impétuosité d'esprit. Et celui qui la cherchera par l'intelligence et la lumière naturelle de son esprit la trouvera." (second livre, troisième partie, chapitre XLIV).

"Nous n'avons pas plus à parler de la "médecine du troisième ordre". Il y en a deux sortes: l'une que l'on appelle lunaire et l'autre solaire. Ce n'est pourtant qu'une seule "médecine", puisque toutes les deux n'ont qu'une même essence et qu'elles agissent de même manière. C'est pourquoi les anciens philosophes, dans les livres que nous avons lu d'eux, assurent tous qu'il n'y a qu'une seule "médecine". La seule différence qui s'y trouve c'est que pour faire la "médecine solaire", on lui ajoute la couleur rouge qui lui donne la teinture. Et cette couleur vient de la substance très pure du soufre fixe qui n'est que dans la médecine solaire, et qui ne se trouve point dans l'autre. Or, on appelle cette "médecine du troisième ordre" le "Grand Oeuvre"; parce qu'il faut une plus grande application pour la découvrir, un plus long travail pour la préparer et beaucoup plus de peine pour la parfaire que celle du premier et du second "ordre". Cette "médecine" ne diffère pas néanmoins de celle du second "ordre", si ce n'est qu'elle demande seulement un préparation plus subtile, par un régime de feu qui  doit se faire par degré, et un travail plus long et plus assidu. Je dirai son régime et la manière de le préparer par ses causes et ses expériences, et j'enseignerai quel différent degré de feu il faut lui donner pour être "médecine du troisième ordre". Car, afin que la "médecine solaire" ait sa teinture parfaite, elle a besoin d'un degré de feu différent de celui qui est nécessaire pour donner la perfection à la "médecine lunaire" : parce qu'il faut ajouter un soufre tingent à la première, que la dernière ne doit pas avoir, ce qui ne se fait que par une plus forte digestion, et par conséquent un plus fort degré de feu." (second livre,troisième partie, chapitre XXVIII).

3/ Le Pseudo-GEBER alias Paul de TARENTE

Paul de TARENTE serait un alchimiste du XIIIème siècle, pour peu qu'il ait vraiment existé, ayant réellement écrit la "summa", selon Marcelin BERTHELOT. En effet, en ce qui le concerne, il pense que certains effets chimiques décrits dans cet ouvrage n'étaient pas connus des arabes au VIIIème siècle. Pour ma part, ceci reste une hypothèse, sachant qu'au XIIIème siècle, la chimie moyen-âgeuse n'en était qu'à ses balbutiements, et de surcroît, les alchimistes de cette époque n'ont guère fait évoluer cet Art, mais se sont surtout contentés de traduire et comprendre les livres arabes d'Alchimie.

De plus, avec tout le respect que je porte à M. BERTHELOT, je ne pense pas qu'il ait été initié aux arcanes de l'Alchimie. Il faut savoir que s'il a réellement lu la "Somme de la perfection", voire tenter d'en comprendre le sens profond, cette ouvrage fait partie intégrante de la philosophie hermétique. Donc, ce qui peut paraître limpide de sens, a en fait un sens caché, autre de ce que l'on pense.